Mathias Lévy - Unis Vers

Il y a eu le temps de l’hommage, « Revisiting Grappelli » dans lequel Mathias Lévy saluait la contribution du divin Stéphane Grappelli (1908-1997) à la tradition du violon jazz. Voici désormais un second temps, celui qui consiste à regarder vers l’avenir, et proposer une musique, la sienne, qui soit celle d’un groupe inspiré, créatif, audacieux. C’est la raison d’être de cet « Unis vers ». Retourner sur les mêmes lieux — l’amphithéâtre de la Cité de la Musique à Paris — sous les micros du même ingénieur du son, le talentueux Philippe Teissier du Cros, et, surtout, retrouver le même instrument : ce violon Hel, conservé dans les collections du musée de la Musique, qui appartint à Stéphane Grappelli qui en fit don en 1995. A la différence près qu’il n’était plus question de faire revivre la musique du maître, fût-ce de la manière la plus personnelle, mais bien de développer quelque chose qui soit la conséquence directe de ce geste initial et une évolution naturelle de ce premier chapitre. D’uni par la figure de Grappelli, le trio de Mathias Lévy s’est trouvé uni par soi-même, c’est-à-dire par sa propre inspiration, par ses propres aspirations, par son propre univers. Ce sont les mêmes musiciens, en effet, qui sont à la base de ce second album. Un trio, avec lequel Mathias Lévy a développé au fil du temps une véritable complicité, avec lequel il partage une vision ouverte de la tradition musicale et une envie d’échapper aux catégories.

Fort d’une culture commune qui va de la musique ancienne au jazz le plus actuel en passant par la valse musette, Django, Bartok, Ornette Coleman ou le rock progressif, le trio se révèle ainsi comme une entité aux multiples facettes, changeant d’un titre à l’autre avec d’autant plus d’éclat que viennent s’ajouter à l’éventail de ses reflets, par moments, les couleurs de l’accordéon de Vincent Peirani et du violoncelle de Vincent Ségal, deux musiciens habitués, eux aussi, à s’affranchir des frontières stylistiques. Habile à manier la polyrythmie, qui confère souvent à son répertoire le caractère de la danse, Mathias Lévy combine cette dernière à un lyrisme mélodique assumé. Et si ses sources d’inspiration en matière de composition vont, en l’occurrence, de la musique pour tabla indienne aux chromatismes étranges de Thelonious Monk en passant par l’open tuning du folk ou les modes pentatoniques caractéristiques des musiques éthiopiques, toutes se retrouvent mêlées dans une écriture qui conserve ses libertés et, surtout, cherche avant tout à pousser le soliste à s’émanciper. « Toute ma démarche artistique est fondée sur la croyance qu’il se passe, quand on improvise, quelque chose qui ne pourrait se produire si c’était écrit, et que cette chose en vaut la peine », pointe le violoniste, qui ne perd jamais de vue la finalité de son travail d’écriture, lui pour qui la prise de parole individuelle, au sein d’un espace édifié collectivement, reste une exigence majeure. « Unis vers » ne porte, à l’évidence, pas son titre au hasard. De l’unité acquise par le trio sur le plan sonore jusqu’à ses respirations communes en passant par l’élégance de ses contrepoints ou le tramage fusionnel de ses timbres, Mathias Lévy donne à entendre, en effet, un groupe qui a pleinement trouvé son équilibre. Par sa capacité à fondre dans son violon son large bagage musical, il confirme, surtout, qu’il est bien digne de poser son archet sur les cordes de cet instrument marqué de l’empreinte d’un grand artiste et de l’emmener, sans nostalgie, avec lui dans le XXIe siècle.

– Vincent Bessières

Les musiciens

Mathias Levy

Compositeur, violoniste, improviseur

Né en 1982, non loin de Paris à Clichy sous Bois dans une famille de mélomanes, Mathias Lévy commence ses études de violon et de piano à l’âge de 5 ans. Il reçoit à 16 ans le 1er prix du violon et de musique de chambre au conservatoire du Raincy. Et se dirige très vite vers le jazz qu’il étudiera successivement avec Denis Colin, Lionel Belmondo, Didier Lockwood. A partir de 2002 il se produira dans le monde entier avec son groupe Caravan Quartet. Lauréat en 2006 du concours Jazz à Sète, nominé en 2007 aux Victoires de la musique cubaine. Il enregistre en 2008 le premier disque de son Quintet. Et obtient en 2011 le Grand Prix Stéphane Grappelli. Musicien polyvalent, il participe à de nombreux projets dans les styles les plus variés, avec entre autre Emmanuel Bex, Grégory Privat, Gilles Naturel, Vincent Peirani, Adrien Moignard, Sébastien Giniaux, The Do, Catherine Ringer, Zaz … Il joue et compose également pour le théâtre (Alain Sachs, Michel Didim, Nora Krief, Valère Novarina), pour le cinéma (l’Empire des loups, Liberté de Tony Gatlif).

Sébastien Giniaux

Compositeur, guitariste, violoniste, peintre

Né en 1981, Sébastien Giniaux débute le violoncelle à 6 ans au conservatoire de Bourg-la-reine avec Etienne Cardoze, puis poursuit son apprentissage aux C.N.R de Boulogne et d'Aubervilliers-la Courneuve. Il rencontre la guitare et les musiques traditionnelles à 18 ans, et apprend l'instrument en autodidacte, avec pour influence première la musique de Django Reinhardt, à laquelle s'ajouteront bientôt les musiques des Balkans, la musique classique, le jazz et les musiques improvisées, et bien d'autres. Il travaille également avec différentes formations en tant que compositeur, arrangeur et musicien, notamment pour Norig, Selmer #607, le Balkan Project, Téofilo Chantre, … Le travail de peintre qu'il poursuit depuis l'enfance l'amène à appréhender les différents supports artistiques comme autant de langages.
Séance d'enregistrement à la Philarmonie de Paris. © Julien Vaugelade

Jean-Phillipe Viret

Contrebassiste

Né à Saint-Quentin le 16 septembre 1959, il débute la musique à 18 ans et étudie la contrebasse avec Jean-Paul Macé puis Jacques Cazauran, l’harmonie et le contrepoint avec Julien Falk. En 1981, il participe à la création de l’Orchestre de contrebasses avec lequel il joue depuis plus de 30 ans.Il joue avec de nombreux musiciens de sa génération (Emmanuel Bex, Simon Goubert, Marc Ducret ....) ,ainsi qu’avec les « anciens » ( René Urtreger, Georges Arvanitas, Michel Graillier…) et les solistes étrangers ( Lee Konnitz, Bill Carrothers, Dave Liebmann, Kenny Wheeler, Youn Sun na…) Il rejoint de 1989 à 1997 le trio de Stéphane GRAPPELLI. En 1998, le TRIO VIRET (Edouard Ferlet / piano, Antoine Banville puis Fabrice Moreau / batterie), avec lequel il a enregistré 7 albums et donné de nombreux concerts en France et à l’étranger (New-York, Montréal, Japon, Chine, Corée…), se produit pour la première fois. Déjà nommé en 2003, le trio remporte le prix de la formation instrumentale de l’année aux Victoires de la musique 2011.
https://www.youtube.com/watch?v=uc14Lg_DGms